Le Cercle du Capharnaüm

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#1 01 May 2008 13:45:22

Thuban
Héritier de Mardûk ; Forgeur d'étoiles
Lieu: Carassine
Date d'inscription: 30 Apr 2008
Messages: 310

Epitáphios : Oraison funèbre des blasphémateurs.

Epitáphios : Oraison funèbres des blasphémateurs.



Ils avaient vécu et étaient venu des coins les plus reculés du monde avant que le hasard ne les réunisse et fasse de ce groupe un rassemblement disparate et hétéroclite de personnes. Les passants qui pouvaient voir cette troupe s'écartaient, les plus hardis et fous préféraient se cacher pour les épier, les plus timides et faiblards mourraient de croiser leur route. Hormis cette allure de voyageur fatigué couvert de terre, ce teint sale ils n'avaient rien en commun, sauf ce regard : celui des illuminés, celui de ceux qui iront au bout de leurs buts, même en bravant la mort elle même.

Toujours en tête un barbare du nord, vaillant, vantard, dont le peu d'intelligence et le manque de savoir vivre le rendait pénible pour les autres. Il était sans doute le plus puissant physiquement et ces deux yeux veinés de sang imposaient crainte et respect. Mais son sourire niais et ses attitudes hilares dénotaient des autres.

Le second tenait plus de l'animal que de l'homme, un regard fendu qui faisait hurler les enfants, des cheveux sombres en bataille tombant d’un front large, une tunique déchirée qui masquait mal des multiples tatouages aussi obscurs que sa propre ombre.

Le troisième ne semblait rien à voir avec les routes, des habits riches, des manières de jeune fille timide. Sa stature frêle et ses petites mains en faisaient une petite nature effarouchée mais il avait parfois des sauts d'humeurs qui le rendaient mieux vu auprès de ses compagnons.

Le quatrième était sûrement et de loin le plus énigmatique. Un grand combattant d'une trentaine d'années, le regard sévère mais bridé, les traits, d’un visage à la peau jaunit, durs et les cheveux lisses et longs. Son armure était de plaques légères et de tissus tressés avec une lame lourde et arquée pendante au flanc. Son casque était intimidant de par sa forme mais cachait un perpétuel rictus mauvais.

Le cinquième était grand mais pas autant robuste que le barbare, ses manières rudes son teint basané et ses multiples bandages et voiles couvrant la totalité de son corps en faisaient un homme du désert. Il portait en permanence un symbole d’Houbal qu'il nettoyait de temps à autres, et semblait perdre ses moyens lorsqu'on regardait l'objet avec un peu trop d'insistance.

Les cinq avaient un même but, ils en avaient longuement parlé. Une semaine après avoir recueilli des témoignages à Fragrance, fouillé des ruines agalanthéenne donnant de nombreuses précisions, suivi de fausses pistes dans l’Aramla El-Nar, ils trouvèrent le but ultime, là droit devant eux.

Le barbare riait aux éclats, l'homme tatoué reculait d'un pas, le riche gamin se cachait derrière le solide guerrier de l’Extrême-Orient et l'homme des sables regardait la bouche crispée.

Dans l’odeur d’encens opiacé, le charme nocturne des illuminations stellaires et de la douce musique de l’oud pincé avec nonchalance, là, leurs destins se liaient, et allaient s’accomplir dans cette rue.



[...]

http://img25.xooimage.com/files/6/2/0/ville-by-night-2fb1d7.png


Image : Gallerie Wallpaper Prince of Persia, The Two Thrones

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#2 01 May 2008 14:10:44

Thuban
Héritier de Mardûk ; Forgeur d'étoiles
Lieu: Carassine
Date d'inscription: 30 Apr 2008
Messages: 310

Re: Epitáphios : Oraison funèbre des blasphémateurs.

Tous suivaient du regard un couple qui descendait la rue isolée se faufilant dans Médina Al-Mardûk vers la route de cuivre et de turquoise. Derrière eux la lune blafarde éclairait doucement, faisant danser les ombres alors que la rencontre était proche.

Le destrier était une puissante monture semblable à un abzoulim, plus noble et caparaçonné d'acier ainsi que d'argent, le métal était lumineux comme poli par des centaines de forgerons. Il portait à l'arrière en plus d'un bagage léger un étendard bleu nuit dans lequel on percevait sans mal un animal mythologique mi-serpent, mi créature aquatique : une aberration. Ce qui fit sortir l'homme des sables de son mutisme.

بهموت ! Murmura-t-il comme pour se rassurer, le premier cavalier était une femme, frêle et très peu vêtue, ses lourdes boucles brunes se soulevaient par le vent de la marche et ses paupières étaient closes. Elle semblait dormir dans les bras de l'homme. Lui était grand bien que svelte, il la dépassait bien de deux têtes au moins, si ce n'est plus. Il portait une cape de velours céruléen et un gantelet d’un métal froid incrusté de lapis-lazuli sur tout l'avant-bras gauche reprenant les symboles anciens que les cultivés admirent mais que les érudits fuient. Main qui finit par secouer les rênes de l'animal lorsque les groupes allaient inéluctablement se rencontrer.

Il ne portait pas de heaume et son visage était beau bien que véritablement insolite. De longs cheveux lisses, noirs comme les ténèbres les plus profondes, huilés et parfumés, partaient d'un front haut pour tomber en désordre loin derrière de larges épaules. Sa peau était basanée, elle, presque aussi sombre que celle des sauvages peuplades du désert, mais les traits de la face étaient fins. Les joues étaient creuses comme celles de ceux que la faim tenaillait en permanence. Le nez aquilin, typique du peuple de l'aride pays occidental, donnait une direction nette, un air terrible, la preuve impossible à dissimuler d'un caractère implacable, celui d'un peuple habitué au commandement. Le menton fin et aristocratique confirmait l'impression faite part le front intelligent mais des yeux, étranges et inhumains, déroutaient l'observateur le plus attentif. Ces yeux semblaient d'un bleu variant entre celui de l’abîme d’un profond océan, du reflet d’un saphir taillé et du givre du cœur d’un glacier, les pupilles avaient une forme presque féline et s'adaptaient rapidement à la lumière suivant leur position au soleil. C'est souvent à ce moment, qu'en fuyant ce regard insoutenable, on apercevait les oreilles, toutes à fait inhumaines, elles aussi, fines et longues, les lobes chargés de boucles d'argent raffinées et primitives. Elles étaient aussi mobiles que celles d'un chien de chasse et elles se tournaient instinctivement vers le moindre son. Ce mouvement incongru engendrait généralement la plus profonde répulsion. La bande se sépara en cinq unités distinctes qui prirent place de chaque côté de la piste sauf le chevalier efféminé qui se tint en plein milieu. Le cavalier arrêta alors tout à fait sa monture.

http://img22.xooimage.com/files/7/4/6/tribal-2fb5dc.jpg

- Descends, ordonna-t-il brusquement à sa compagne. Descends immédiatement ! Sans ménagement, la jeune femme sauta du destrier et roula maladroitement sur le gravier de la route. Sans prendre le temps de frotter ses écorchures, elle s'écarta vivement. Son calme avait disparu et avait fait place à une sorte de terreur mêlée d'admiration fanatique.



[...]

Dernière modification par Drannaëken (01 May 2008 22:58:20)

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#3 01 May 2008 14:36:24

Thuban
Héritier de Mardûk ; Forgeur d'étoiles
Lieu: Carassine
Date d'inscription: 30 Apr 2008
Messages: 310

Re: Epitáphios : Oraison funèbre des blasphémateurs.

Le barbare s'avança d'un pas et annonça presque gaiement :

- Tu es celui que je cherche depuis longtemps. Ton nom a traversé les montagnes et les plaines enneigées du Krek’kaos. Mon âme vibre de la gloire que m'apportera ta chute et mon peuple fera de moi un roi pour t'avoir abattu. Mon nom est Bersekir et je suis le seul à être venu ici sans haine, mais ma détermination est absolue et ma cause soutenue par Odin.

De ses deux mains, il exhiba une massive hache travaillée. Sa lame était crantée comme une scie et tâchée de sang sec. Devant lui, l'être difforme, dont la nature semblait plus proche de celle de son ennemi que de celle de ses compagnons, prit la parole à son tour :

- Je suis Shimeon Bar Yoshaï. J'amène ici, la fureur de Shirad, et son peuple dont tu as trahi les espoirs et contrecarré les désirs. Ta perfidie n'a pas plu à tes anciens frères et elle porte en elle la colère de tous les amis que tu connais bien.

Comme s'il ne voulait pas rester en reste, le grand homme sec du désert annonça d'une voix énervée et un peu aiguë :

- Je suis Aref Ibn Mammûd Abd-Al-Tarek... et tu n'es pas digne que j'énonce mon lignage plus avant. Par tes actes tu as profondément nui à Houbal et les sages kahini qui me mandent m'ont désigné pour te châtier d'une manière exemplaire. Sachant que tu fuirais lâchement les fers de la torture, ils m'ont confié les secrets séculaires et ésotériques des 77 hadiths.

Il commença à tracer des symboles de constellations devant lui avec le bout de son index trempé d’un argent alchimique. Les plus concentrés pouvaient l’entendre psalmodier à voix basse un saabi littéraire et complexe.

Il y eut alors un silence, un silence aussi long qu'une hésitation, puis le jeune garçon se redressant clama en regardant l'horizon, comme s'il répétait après quelqu'un :

- Je suis le Roberto dit le « Delle Fave », mes pas me mènent depuis Théodonis jusqu'à toi ainsi que l'ordonne mon... euh... Maître et Seigneur de Dieu le Magisterium. Il dit : tu dois mourir !

Il fouilla avec hésitation à sa ceinture puis dégaina alors un fleuret à la garde précieuse, dont le fer semblait ondoyer comme un serpent hypnotique et venimeux. Ce geste était d’une précision infaillible suggérant une maîtrise innée de cette lame.

Enfin le guerrier des terres Asijawi, au centre, annonça sèchement, comme s'il était excédé et impatient :

- Je suis Akuma Kagemura, 1er  guerrier sacré de la plus ancienne des dix Maîtresses du Destin et il eut un regard méprisant pour ses compagnons. Je suis envoyé par l’Amant Sacré et par les dix Maîtresses de la Destinée auquels j'appartiens. Ton existence est une insulte à la face même de l'univers. Tes crimes innombrables nous ont rassemblés ici pour que tu périsses mais sache que mon katana, Kusanagi no Tsurugi, a soif de ta vie et j'entends ses cris de désir qui résonnent dans mes oreilles.

A son tour, il dégaina une épée longue et lourde à l'aspect courbé et froide comme un bloc de glace taillé. Quelque chose de terrible et vicieux émanait de cette arme, comme si une mort douloureuse irradiait sans discontinuité vers tous les êtres vivants des alentours. La jeune femme frissonna et détourna les yeux en l'apercevant.

Le cavalier avait observé les présentations et les défis traditionnels calmement. Ses longues oreilles rabattues en arrière exprimaient comiquement étonnement et consternation tandis que ses lèvres, d'abord serrées sévèrement, se déformèrent bientôt en un sourire amusé et gêné. Il eut un petit rire moqueur et craintif à la fois, presque bouffon pour qui ne le connaissait pas. L'iris de ses yeux brillait d'une fièvre maligne, le coin de sa pommette se contractait par moment d'un tic d'excitation. Alors soudainement, lorsque le silence retomba, son sourire disparut avec la violence d'une porte qui claque. Sa voix grave et rauque était dure lorsqu'il annonça, comme un juge annonce sa sentence :

- Je suis...

[...]

Dernière modification par Thuban (08 Jul 2010 17:15:27)

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#4 01 May 2008 16:54:55

Thuban
Héritier de Mardûk ; Forgeur d'étoiles
Lieu: Carassine
Date d'inscription: 30 Apr 2008
Messages: 310

Re: Epitáphios : Oraison funèbre des blasphémateurs.

Thème : OST Final Fantasy Advent Children - Divinity I (disponible )

- Je suis Kujuta, ignorant vos lois et vos maîtres, chevaucheur du Bahîmût. Ne fuyez vous pas le poison des âmes ? La malédiction de ceux qui le rencontrent. Vous êtes tous des crétins et vous allez tous mourir...

La suite fut très rapide. Il dégaina son arme : une flamberge à la lame colichemarde faites d’un métal doré à reflets cuivrés, couverte de runes. Un mouvement organique s'organisa, comme un ballet tentaculaire, entre la garde et son poignet, en faisant un horrible bruit de succion gluante. Avec la lame jaillit un long grondement monstrueux. Un cri où se mêlaient de façon très ambiguë l’invective d'un animal colérique blessé dans le plus grand secret de son intimité et la jouissance obscène d'un monstre victorieux décharnant un mortel innocent. Cette lame irradiait d'une énergie à la fois torride et foudroyante. Elle semblait sauvage, à peine contrôlable. A la regarder de plus près, elle était comme faite dans un éclair parcouru de veines d’or, recouvert d’émaux azurins en suspension qui pulsaient régulièrement comme si un cœur secret l'alimentait d'une sève mortelle. La voir, c'était apercevoir la nature même la chimère stellaire, une essence incompréhensible aux communs des mortels.

Le cavalier fit une sorte de grand moulinet et la lame trancha l'air en sifflant, le cri était insupportable pour quiconque l'entendait. Les esprits déjà agités de ses opposants furent secoués par la vue de cette arme qui leurs inspirait une crainte et une peur sans précédent. Il restèrent paralysés, muets, contemplatifs de leur déchéance face à cette vision au dessus de leurs têtes.

Comment est-ce possible !? reprirent-ils en leur fort intérieur.

http://img20.xooimage.com/files/b/3/f/black_dragon_by_treijim-2fc8fb.jpg


Image : Treijim - Black Dragon

Le chevalier s'élança vers eux en sautant de sa monture.

A cet instant tout devint irréel, tant pour l'homme que pour ses opposants. Le bruit du fer tranchant vulgairement de la chair se fit entendre, les cris et râles de douleur lui succédaient. L'instant d'après - suivant des éclairs, des flammes - tous étaient morts. Deux éventrés, montrant au monde l'appétissant spectacle de leurs entrailles. Un décapité, le visage figé dans une moue horrible, le corps à genoux et les mains dans une position de prière. Les deux autres pâles et vidés de leur sang, d'éternelles arabesques scarifiant leurs corps comme dans un rituel sordide. La dernière, sa compagne recroquevillée sur elle même, brûlée, grésillant et hoquetant contre la Ziyada Al-Chaytân. Sa chevelure arrachée, du sang coulant de ses plaies fumantes.

Qui êtes-vous ? demanda-t-il en rangeant sa lame, tout lui semblait si anodin, alors que la femme dans un dernier soubresaut tomba au sol raide morte. Lui haussa les épaules sans dénoter la gravité de la situation, il se retourna et aperçu les morts, presque surpris.

Raide, il marcha jusqu'à sa monture, sortit d'un sac une robe de coton blanc qu'il déchira avec rage pour en faire des bandages qui rougirent instantanément au contact des hémorragies de sa seule plaie. Il but une rasade d'alcool fort dans une gourde, et mâchonna une pâte brunâtre au parfum âcre que lui avait passé un Salonim. Alors seulement avec une grimace, il enfourcha sa monture et partit au petit trot dans la nuit grandissante. Pas un instant, il ne se retourna sur le terrifiant champ de bataille que baignait maintenant la lueur de la lune montante.

- Comment vivras-tu avec l'idée d'avoir tué sans te souvenir ? Se surprit-il à penser.

Et plus personne n'était là pour voir une larme unique rouler le long de sa joue.
Et plus personne n'était là pour voir à sa garde une sorte de frémissement joyeux et tentaculaire.

FIN.




Pour les plus téméraires qui ont réussi à tout lire, si vous avez un avis à émettre faites le ça me serait très utile, où même parler de cette histoire. En n'espérant ne pas avoir pollué le forum :'(

Drannaëken.

Dernière modification par Thuban (08 Jul 2010 17:16:57)

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#5 02 May 2008 00:35:36

Sprotj
Gros membre
Date d'inscription: 11 Feb 2008
Messages: 140

Re: Epitáphios : Oraison funèbre des blasphémateurs.

Bien écrit déjà.

J'aimerai que le forum soit pollué comme ça plus souvent smile

C'est ton personnage ou le grand méchant de l'histoire ? En tous cas c'est puissant. Sale bête...

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#6 02 May 2008 11:18:46

Thuban
Héritier de Mardûk ; Forgeur d'étoiles
Lieu: Carassine
Date d'inscription: 30 Apr 2008
Messages: 310

Re: Epitáphios : Oraison funèbre des blasphémateurs.

Un héritier grand méchant de l'histoire, mais pas si méchant que ça en fait !

Puissante la bête avec une arme en orichalque haha !

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#7 02 May 2008 11:31:12

Lamuerte Delcuervo
Mercenaire de plume et d'épée
Lieu: Province de Delcuervo, Aragon
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Messages: 102
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Re: Epitáphios : Oraison funèbre des blasphémateurs.

C'est chouette, tu t'appropries l'univers et on sent que tu te fais plaisir, c'est agréable à lire (quoi qu'un peu long en effet wink ) !


L'homme qui travaille perd un temps précieux. Miguel de Cervantes

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#8 04 May 2008 02:27:02

Nemrod
Membre
Date d'inscription: 24 Feb 2008
Messages: 11

Re: Epitáphios : Oraison funèbre des blasphémateurs.

Personellement, j'ai trouvé ton texte très bien maîtrisé et super agréable a lire, et la longueur ne gêne absolument pas !

Bref continue ! smile

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#9 04 May 2008 10:14:10

Thuban
Héritier de Mardûk ; Forgeur d'étoiles
Lieu: Carassine
Date d'inscription: 30 Apr 2008
Messages: 310

Re: Epitáphios : Oraison funèbre des blasphémateurs.

Merci ça fait super plaisir, ça va me donner d'en faire des plus longs hahahaha >.<

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#10 06 May 2008 13:20:07

CXZman
Administrateur
Date d'inscription: 30 Jan 2008
Messages: 785

Re: Epitáphios : Oraison funèbre des blasphémateurs.

Ben voilà smile Très bien ça Drannaëken !

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